Phaéton & Narcisse. Anne Brissier lit les Métamorphoses

De natura rerum est heureux d’accueillir, samedi 25 juillet à 18h, la comédienne Anne Brissier, qui nous a proposé de donner à  entendre deux épisodes des Métamorphoses d’Ovide (le mythe de Phaéton, Écho et Narcisse) dans la belle traduction de Marie Cosnay.

Un instant, accessible aux enfants et aux adultes.

Dans la nouvelle traduction de Marie Cosnay, parue aux éditions de l’Ogre en 2016, Les Métamorphoses d’Ovide sont un immense poème éminemment politique et érotique qui ne cesse de nous surprendre et de nous interroger, un poème brûlant. Sa faconde poétique, la beauté de son verbe, l’actualité de ses sujets imposent que l’on aille au-delà de la lecture silencieuse et individuelle pour en restituer sous la forme de l’assemblée et du théâtre, à haute voix, le sens et la musique. Il s’agit de faire du livre des Métamorphoses de la matière vivante à mettre et vivre en partage.

Le poème n’est plus seulement confié aux spectateurs pour la seule histoire racontée et la forme que le poète a voulu choisir, mais il est d’emblée posé comme geste réflexif, comme « lieu » de questionnement de ce que la rencontre de l’autre fait de soi (id est le principe des Métamorphoses), et de ce que la poésie fait à la langue, de ce que l’audition d’un texte fait aux gens.

J’ai découvert ce poème il y a cinq ans, tandis que le festival « VO-VF – la parole aux traducteurs » m’avait engagée pour lire des extraits de textes dits classiques dans leur retraduction (Dante, Virgile, Orwell, Calvino…). J’ai été saisie par la force joyeuse, la fluidité et la vibrante sensibilité de la traduction de Marie Cosnay.

Anne Brissier

Les deux épisodes choisis pour cette rencontre nous parlent des mythes, du passé mais aussi d’aujourd’hui et de notre présent insensé : tandis que les femmes se changent en arbres, que la terre brûle, la folie des hommes, leur démesure, ont conduit à une catastropheque la mère nature et le poème s’efforcent hier et aujourd’hui de réparer.

Comme une histoire contée, faite d’images sublimes et de tournures stylistiques magnifiques et édifiantes, ces Métamorphoses de femmes ou d’hommes en arbres ou en étoiles – chacun se métamorphosant au fond en ce qu’il est déjà, en ce dont il est déjà le signe (deviens ce que tu es !) – font tout autant voyager, réfléchir et rêver les petits et les grands.

C’est précisément la rencontre, et le passage à l’autre pour que soi existeque nous enseigne encore aujourd’hui Ovide, par la grâce d’un magnifique poème, aux antipodes de la tentation du repli identitaire sur soi et de ses monstres.

Notre volonté ultérieure de faire entendre les traductions italiennes et françaises du poème d’Ovide (celles excellentes de Ludovica Koch et Marie Cosnay) vient de l’envie que nous avons de donner à apprécier et à saisir le poème et la traduction comme un chemin entre les langues.

«J’ai fini mon travail, ni la colère de Jupiter, ni le feu,
ni le fer, ni le temps vorace ne pourront le détruire.
Quand il veut, le jour qui n’a de droit
que sur mon corps ! Qu’il finisse mon temps incertain de vie : immortel en ma meilleure partie, par-dessus les astres hauts on me portera mon nom sera ineffaçable ;
partout où s’étend, sur les terres dominées, la puissance romaine,
la bouche du peuple me lira ; j’irai, connu, à travers siècles
et, s’il y a quelque chose de vrai dans les oracles d’un poète, je vivrai.» 

Métamorphoses, Livre XV

Ainsi c’est le mot latin «vivam» – «je vivrai» – qui termine le poème; comme si le poète s’était lui-même métamorphosé en son propre poème.

Anne Brissier

Comédienne, Anne Brissier a joué au théâtre sous la direction de Christian Rist, Jean-Claude Fall, Stéphanie Correia, Stanislas Nordey. Lectrice régulière pour France Culture (Les Chemins de la connaissance d’Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven, Cultures d’Islam d’Abdelwahad Meddeb), et pour la Bibliothèque nationale de France (Olympe de Gouges, Romain Gary, Albert Camus, les grands poètes d’aujourd’hui, Jacqueline Risset, Dante, la Divine Comédie), elle est aussi chargée de mission pour le Centre national du théâtre, formatrice et metteuse en scène (Médée d’Euripide, La Cerisaie de Tchekhov, La Réunification des deux Corées de Pommerat), conseillère littéraire pour France Movie services (Signé DaliLa Descension) et prête sa voix comme beaucoup d’acteurs à des documentaires, à des publicités. Elle travaille aussi régulièrement avec les enfants.


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