Le mot du libraire – Petit traité d’histoire globale de Jack Goody

Parce que ce sont ceux qui lisent le plus qui en parlent le moins, cette chronique fait entendre la voix des lecteurs passionnés que sont les libraires. Céline, de l’incontournable librairie arlésienne De Natura Rerum, vous fait découvrir aujourd’hui Petit traité d’histoire globale de l’anthropologue britannique Jack Goody (Armand Colin, 2022).

Jack Goody (1919-2015) était un anthropologue de l’université de Cambridge. Il était mondialement connu pour son œuvre abondante consacrée aux fonctions sociales de l’écriture, à la famille et, à la fin de sa vie, à la critique de l’eurocentrisme.
Son Petit traité d’histoire globale se présente comme la synthèse de toutes ses années de recherche. Dans ce livre, il pose la question : Pourquoi parle-t-on d’une suprématie européenne et non pas eurasienne ? Est-elle vraiment fondée ?

Jack Goody s’oppose aux préjugés occidentaux d’une supériorité de longue durée de l’Europe dans la modernisation et le capitalisme. En effet, l’Occident se voit comme l’héritière de l’Antiquité gréco-romaine et le seul garant de l’innovation. Il considère, de cette façon, le développement comme un axe fermé à l’Orient. Ainsi, a contrario de cette idée traditionnelle, Jack Goody expose que les fondements de l’Antiquité, de la féodalité puis du capitalisme sont issus des différentes cultures résultantes de l’âge du bronze, de l’ancien Proche-Orient, en 3 000 avant J.-C. Les sociétés se sont ensuite formées séparément tout en se développant parallèlement. Donc, il n’y eut pas d’exclusivité occidentale. Le lecteur va ainsi de surprise en surprise en apprenant que ce qu’ils croyaient être des innovations européennes se révèlent être des créations asiatiques, transmises par le biais des musulmans. De ce fait, Goody remplace l’expression « miracle européen » par « miracle eurasien » car le développement n’est pas seulement un critère européen mais eurasien. Les sociétés qui constituent ce bloc sont semblables dans de nombreux domaines comme la famille, l’agriculture, la culture urbaine ou l’usage de l’écriture et ont connu le même mouvement de croissance. Mais alors que l’Europe a enregistré un moment de recul avec le Moyen âge puis une Renaissance, l’Asie a toujours eu une croissance continue. De plus, l’histoire actuelle montre bien la vanité d’un clivage entre l’Occident et l’Orient. Même si l’on tend de plus en plus à privilégier une approche globale de l’histoire où l’Occident ne prime plus forcément, ce traité est nécessaire pour nous rappeler que l’Europe n’est pas le seul au centre du monde. Une lecture courte mais riche de propos ! Ce bref traité a été judicieusement traduit de l’anglais par Pierre Verdrager aux éditions Armand Colin (octobre 2022, 224 pages).

Céline Poulain / La Vie des ClassiquesDe Natura Rerum

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