Les topographies de Méduse, la suite : histoires naturelles

Nouvelle exposition du mardi 27 février au mardi 30 avril.
Autour des collages-peintures d’Olivia Rosa-Blondel, sont invitées les œuvres des artistes suivants : l.l. de mars (auteur et plasticien), François Ely (peintre), Philippe de Jonckheere (photogrammes), Gilles Magnin (photographe), Anne Pellegrini (autrice).

Il en est parfois des voyages comme d’une incroyable Odyssée. Que cherche-t-on quand on part et quelle garantie nous offre la perspective des départs ? Aucune, si ce n’est que ce que nous voyons et ce qui, du coup, nous regarde, participe pleinement de cette économie d’échange au monde, où l’émerveillement le plus fécond se mêle à nos peurs les moins enfouies, que le travail de l’histoire ne cesse tragiquement de remâcher. Sous l’algue brune se déploie le masque opaque et clairvoyant de Méduse, dont les efforts de fuite tracent les multiples parcours, entre terre et océan, lente ou vive, parfois criarde, pétrifiée, murmurant aussi comme dans un souffle la part d’éternité de nos histoires naturelles.

Les topographies de Méduse se présentent cette fois comme une cartographie improbable, réunissant des œuvres que tout semble éloigner, si ce n’est ce lien par lequel tout déplacement du regard devient envisageable, parce qu’envisagé, pour que chacun tisse sa toile ou son parcours, c’est selon.

Mur latéral : des œuvres de Philippe de Jonkheere, Olivia Rosa-Blondel, Gilles Magnin, l. l. de mars, François Ely.

Le vernissage a eu lieu le dimanche 3 mars à 16h dans le cadre d’Arles se livre : à cette occasion, des lectures autour de la figure et du mythe de Méduse ont été effectuées par Nicolas de Laverngne, Olivia Rosa-Blondel, et l.l. de mars.

[su_tabs active= »6″] [su_tab title= »Gilles Magnin » disabled= »no » anchor= »magnin » url= » » target= »blank » class= » »]Gilles Magnin
Photographie

Mon travail photographique débute lors de mes participations aux stages lors des rencontres de la photographie d’Arles en 1979, j’ai alors 23 ans, le reportage avec Jean Mohr, l’année suivante, le portrait comme dialogue avec Georges Tourdjman, Sortilège de la couleur, avec Jay Mazel, l’oeil au féminin avec Kate Carter et le livre photographique avec Katherine Tweedie.
En 1983, je rencontre Serge Gal, il me forme aux techniques de zone-système en noir et blanc et couleur. Au cours l’année 1986, un nouveau stage à Arles, le photo-journalisme avec Yann Morvan, puis une formation aux techniques de laboratoire, tirages et virages avancés en noir et blanc, avec Denis Brihat chez lui à Bonnieux.
En 1992, je signe un contrat de diffusion de mon travail d’illustration, avec l’agence Ernoult-Features, ce contrat est étendu a l’agence Image-Bank en 1996. Depuis 1999, je suis représenté par l’agence de presse SIPA-PRESS.
Je m’intéresse à l’in-signifiant, aux entre-lieux, aux fragments et détails dans l’espace pratiqué, les corps dans la ville, ils créent ces traces de notre vie qui passe, se transforme, puis disparaît, mais comme Albert Camus nous le rappelle avec force dans son livre l’Été : « ce monde est beau et hors de lui point de salut. »

Une première exposition des photographies de Gilles Magnin, Belphegor, a eu lieu chez De natura rerum de décembre 2018 à février 2019.

[/su_tab] [su_tab title= »l.l. de mars » disabled= »no » anchor= »mars » url= » » target= »blank » class= » »]l.l. de mars
Auteur et plasticien

Tout regard minéralise celui qui regarde : papier tue-mouches duquel s’arrachent péniblement les propriétés d’objets avant qu’ils ne vous libèrent de leur pesanteur. La stupeur, la sidération, sont des moments de tout regard. Méduse n’est qu’un grippage de la durée.

Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’une notice biographique doit signifier de moi ni de ce qu’elle doit écarter. Je sais qu’étrangement elle doit être infiniment reprise ce qui, toujours, m’empêche de la commencer. Je suis pourtant censé m’y plier et trouver ça léger comme une formalité. Je ne suis pas sûr qu’il existe des formalités légères, l’écriture d’une notice biographique moins encore que n’importe quelle autre.
J’ouvre invariablement en écrivant ma date de naissance puis je m’y soustrais : de quelque côté que je prenne l’affaire, c’est un non renseignement. C’est le premier d’une chaîne de repères qui, à peine inventoriés, s’abolissent également en non-renseignements. Comme un livre isolé de celui qui l’a rendu nécessaire et de celui qui, un jour, l’a balayé.
Je devrais aimer la notice biographique au moins en tant qu’elle ne prétend pas avoir, elle, de lecteur particulier. Elle ne s’adresse à personne, elle bégaie une position ; une position à partir de laquelle, quoiqu’on fasse pour tirer ce premier point vers la ligne d’un portrait, elle l’entraîne vers le flou des spectres dans le meilleur des cas, vers le singe social dans le pire.
On n’attend pas d’elle qu’elle dise quoique ce soit, mais que par elle soit constaté qu’un événement a une raison fondée de se dérouler, qu’un objet a une raison historique d’être produit ; elle assure que l’on ne perd pas son temps devant un événement sans histoire, devant une créature complètement insignifiante : peu sûr de cette signifiance au fond, l’éditeur pourra lui-aussi y trouver une archéologie rassurante et en partager les bienfaits.
On m’a si souvent demandé des notices biographiques, pour le moindre petit festival, la moindre participation à un collectif, que c’est au bout du compte la chose qu’on aura le plus lu de tout ce que j’aurai pu écrire. En poursuivre la logique si efficace devrait finalement me conduire à ne brosser que quelques lignes de projet pour chacun de mes livres, et à ne jamais les réaliser.

[/su_tab] [su_tab title= »François Ely » disabled= »no » anchor= » » url= » » target= »blank » class= » »]François Ely
Peinture

« Du graphe sinueux du sein au graphe de l’inscrit, le sein nous fait signe. » André Durandeau, « Sous le signe du sein », in Le sein. Images, représentations, 1996. Dir. V. Bruillon et M. Majesté.

Peindre la figure des seins, exclusivement, telle est la décision que j’ai prise il y a vingt-cinq ans. L’idée de ne me consacrer qu’à un seul motif est davantage une décision de peintre que le symptôme d’une fixation (mentale, affective…) sur une partie du corps humain. En d’autres termes, je ne suis pas plus seinophile que quiconque. Mais pas moins non plus. Seulement, peut-être, essayai-je de l’être un peu mieux.
Ce qui me saisit dans ce motif est sa nature archaïque. Il est ancré en nous dès la naissance (et même, selon certains avis autorisés, dès notre vie intra-utérine). Il est partie intégrante et fondamentale de notre corps psychique.
Peindre toujours le même motif, loin d’être sclérosant, est une aventure sans fin. Si j’ai évacué le ‘’quoi peindre’’, le ‘’comment peindre’’ se pose à chaque nouvelle réalisation, et m’entraîne dans la découverte de territoires toujours inconnus, qui m’exaltent. Olivia Blondel-Rosa m’a fait l’amitié de me proposer une participation à sa seconde exposition sur les beaux et vieux murs de la vaillante et jeune librairie De Natura Rerum, dévouée à la culture antique. La référence à l’antique est au cœur de la pratique d’Olivia, qui a eu l’idée d’un dialogue pictural ouvert dans ce champ. Lorsque j’ai réalisé mes deux peintures, j’avais en tête qu’elles pourraient tenir dans l’exposition le rôle du chœur dans les pièces de théâtre de la Grèce antique, ponctuant et soulignant l’intrigue principale.
J’ai proposé deux tondi, intitulés respectivement Artémis (Limnatis), et Gorgô. Les deux personnages féminins aux pouvoirs et à la puissance redoutables, y sont évoqués par leurs seins.
Si Artémis possède de nombreux pouvoirs, et si son champ d’action est immense, j’ai privilégié dans ma peinture l’une de ses attributions, celle de régner sur les bords des fleuves, des lagunes, des lacs, des mers, « zones côtières où entre terre et eau les limites sont indécises » (Jean-Pierre Vernant). Les seins représentés sont donc aussi écume, vagues, sable et limon. Nul arc, nulle flèche, ni chien, ni biche, ni cerf dans mon tableau, dont la forme circulaire peut renvoyer à un planisphère, condensant une géographie rêvée dans le sein d’Artémis.
Le deuxième tondo, Gorgô, est consacré au personnage de Méduse. L’élément aquatique y est à nouveau évoqué, mais de façon plus trouble et agitée que dans le précédent. Les seins de la Gorgone sont de « mauvais seins », accidentés, grumeleux, écorchés, chair tuméfiée, en voie de putréfaction. Le cercle de bois portant des traces de peinture, qui entoure la toile, matérialise le bouclier de Persée au centre duquel tournoie le reflet du monstre. L’orangé pulvérulent qui sourd par endroits annonce la transsubstantiation du sang de Méduse en corail.
La forme du tableau rond, pour chacun des deux tableaux, ne peut manquer d’incarner la rotondité idéale d’un sein, de la signer : le seing du sein.

[/su_tab] [su_tab title= » Philippe de Jonckheere  » disabled= »no » anchor= » jonckheere  » url= » » target= »blank » class= » »]Philippe De Jonckheere (1964 – 2064)
Photographie

1944 mon père voit passer un V1 dans le ciel à Lille
1951 Robert Frank prend une fillette en photo à Paris. Ce sera ma mère Né le 1964ème anniversaire du massacre des innocents
1964 – 2012 pas grand-chose 2013 Rien
2014 Rien
2015 Frôle la catastrophe le 13 novembre. Apnées (PDJ, D. Pifarély, M. Rabbia)
2016 Pas grand-chose
2017 Une Fuite en Égypte
2018 Raffut
2019 Le Rapport sexuel existe
2020 Élever des chèvres en open space
2021 Frôlé par un V1
2022 Les Anguilles les mains mouillées
2024 Sur les genoux de Céline
2025 – 2064 : étudie la contrebasse et rejoins la ZAD de la Cèze
2064 Suicide.

[/su_tab] [su_tab title= » Anne Pellegrini  » disabled= »no » anchor= » pellegrini  » url= » » target= »blank » class= » »]Anne Pellegrini
Autrice

[/su_tab] [su_tab title= »Olivia Rosa-Blondel » disabled= »no » anchor= »olivia » url= » » target= »blank » class= » »]Olivia Rosa-Blondel
Peinture-collage-dessin

Les travaux d’Olivia Rosa Blondel, artiste hétéropraxe, se lovent sous l’égide d’Ovide : « Je veux dire l’histoire et les métamorphoses des formes et des corps » (Métamorphoses, I, 1-2).

Dès ses études d’arts plastiques à l’université de Rennes II, la pratique du collage est déjà très présente, doublée d’un questionnement sur le portrait et l’image en général, où s’articule en permanence la figure et son lieu d’inscription. Elle s’engage alors dans un groupe d’étudiants plasticiens-auteurs-musiciens, autour notamment de L.L. de Mars, Laurent Pinon et Julien Demarc (voir Le Terrier) avec lesquels elle collabore à divers projets en Bretagne (lectures, expos, concerts). Elle participe au comité de rédaction de la revue littéraire La Parole Vaine et écrit des articles ainsi que des récits (Ricardo Bofill : Sparte en passant, Eigentlich,…).
Son intérêt pour l’architecture et l’esthétique antique l’amène à pratiquer le dessin d’archéologie en Jordanie (Khirbet es-Samra) dans l’équipe de Justine Gaborit, Jean-Baptiste Humbert et Alain Desreumaux. Fortement marquée par ces voyages, elle arpente aussi l’Italie (Venise, Bologne, Crotone, Rome, Pompéi, Paestum, Herculanum) dont elle rapporte une multitude d’images venant augmenter cette mémoire vive constituée de documents iconographiques les plus divers, base de son travail de peintre-collagiste.

Une première exposition des oeuvres d’Olivia Rosa-Blondel, Les topographies de Méduse, a eu lieu chez De natura rerum en octobre et novembre 2018. Cette exposition en est une suite.

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