Dialogues : Assises de la traduction littéraire 2024
1 novembre @ 15 h 00 min – 3 novembre @ 17 h 00 min
Les Assises de la traduction littéraire, organisées par l’Atlas, proposent cette année un programme riche et particulièrement en ce qui concerne l’Antiquité. De natura rerum sera présente les trois matinées au sein du Collège international de la traduction littéraire, espace Van Gogh, avec une sélection de titres en rapport avec la thématique, les auteurs et la question de la traduction.
« Ces trois jours où traducteurs, auteurs, et lecteurs curieux de littératures du monde échangeront autour de ce thème donneront l’occasion d’interroger les pouvoirs du dialogue à l’aune d’une situation emblématique de l’altérité et du pas vers l’autre : la traduction littéraire. »
Accès au programme complet sur le site du CITL.
Les séances antiques des Assises de la traduction littéraire
Le Dialogue des morts
Vendredi 17h-18h30, avec Anne-Marie Ozanam (de nombreuses traductions en rayon à la librairie), Nicolas Correard et Dimitri Garncaryzk.
Qu’auraient à déclarer les morts, s’ils pouvaient parler ? Sans doute pourraient-ils nous communiquer un certain nombre de vérités, qu’ils se sont échinés à (se) cacher leur vie durant ! L’idée constitue le point de départ des Dialogues des morts de Lucien de Samosate, écrivain de langue grecque du second siècle après J.C., dont les dialogues brefs, vifs et sarcastiques mettent en scène héros, philosophes, souverains reconnaissant la vanité de leurs ambitions passées. Voilà qui a inspiré une longue lignée de dialogues des morts, depuis la Renaissance jusqu’à aujourd’hui, dont très peu sont accessibles à un lectorat actuel. Les éditions et traductions sont rares, et la plupart sont à faire : depuis l’anglais, depuis l’allemand, l’italien, l’espagnol, le russe, le polonais… Or, l’art du dialogue des morts, elliptique, allusif, ironique, pose des problèmes de traduction intéressants …
Le Cratyle de Platon
Vendredi 19h-19h45, mise en voix, avec Dominique Hollier, Sarah Vermande, Camille Faucherre, Dieter Hornig
« Supposons que nous ne disposions que de ces deux termes, ping et pong, pour désigner un chat et un éléphant : lequel serait ping et lequel serait pong ? Je crois que la réponse est claire. Et si nous voulions nommer une soupe chaude et une crème glacée ? Pour moi tout au moins, la soupe serait pong et la glace ping.» Ernst H. Gombrich, L’Art et l’Illusion.
La scène primitive de cette interrogation se trouve dans le Cratyle de Platon. Dans ce dialogue, Socrate s’entretient avec deux jeunes hommes qui représentent chacun une conception du langage. Hermogène est un moderne avant la lettre, il défend la thèse selon laquelle les noms résultent simplement d’une convention. Pour Cratyle, chaque chose a reçu une « dénomination juste » qui lui revient. Et qui exprimerait l’essence de cette chose. Certes, les traducteurs littéraires sont tous des partisans d’Hermogène, ils savent que le signe est arbitraire. Mais ils n’en ont pas fini avec Cratyle..
Layla et Majnûn, un dialogue entre arabe et persan
Samedi après-midi avec Pierre Larcher et Leili Anvar (présents également sur nos étagères)
Majnun Layla est un « classique » de la littérature orientale. Il s’agit initialement d’une série de poèmes rédigés en arabe que Qays ibn Mulawwah, poète bédouin du VIIe siècle, adresse à sa bien-aimée, Layla. À travers ses poèmes, Qays décrit les souffrances de cet amour contrarié – le simple fait d’avoir nommé sa bien-aimée est perçu comme un affront, qui rend leur mariage désormais impossible, et le poète sera désormais plus connu sous le nom de Majnun Layla, qui signifie littéralement « le fou ou le possédé de Layla ». Quelques siècles plus tard, cette histoire d’amour va inspirer de nombreux poètes persans – Nezami (XIIe s.), Jami (XVe s.) et Hatefi (XVIe s.) notamment – mais aussi turcs, comme Fuzuli (XVIe s.) et bien d’autres.
Nos deux invités vont donc nous parler du dialogue qui s’établit entre poésie arabe (celle de Qays, alias Majnun Layla) et poésie persane (celle de Jami en particulier), cette dernière donnant à la trame d’origine une dimension mystique particulière.
Traducteur d’un jour : Sophocle – grec ancien
Dimanche 10h30-12h30, avec Daniel Loayza
Dialoguer ? Un art difficile depuis la nuit des temps. Dès Homère, Agamemnon et Achille ont du mal à le faire. Et avant qu’il se reparlent, il faudra attendre les deux tiers de l’Iliade.
Quand on discute, cela risque souvent de tourner au dialogue de sourds. Ceux qui s’y empêtrent n’en tirent pas beaucoup de profit ; mais ceux qui y assistent le peuvent, s’ils le font à la bonne distance. Le théâtre, invention grecque, est la recréation d’une telle distance comme dispositif d’observation : la querelle ou le malentendu des uns s’y métamorphose en spectacle ou leçon pour les autres (en attendant l’étape suivante, sa transformation en outil de recherche, dans le dialogue philosophique platonicien). Cet atelier propose d’en approcher un échantillon, tiré d’une tragédie de Sophocle.
Histoire de Jérusalem, dialogue auteur-traducteur
Dimanche 14h-14h45, avec Vincent Lemire et Nir Ratzkovsky
Comment traduire Jérusalem sans trahir les multitudes de langues que parlent ses habitants, sans trahir les multitudes de croyances auxquelles adhérent ses visiteurs ? Symétriquement, comment raconter son histoire polyglotte sans recourir aux traductions ? Comment nommer Jérusalem, d’abord, puisque chacun de ses hauts lieux est affublé de plusieurs toponymes qui portent en eux des histoires et des horizons différents, à commencer par le nom de la ville elle-même, Yéroushalayim en hébreu, Al-Quds en arabe… ou Aelia Capitolina pour les Romains latinophones, désireux de neutraliser la ville sainte en la débaptisant. De fait, pour raconter cette histoire aussi fidèlement que possible, cette bande dessinée emprunte la voix d’un non-humain, un olivier, qui porte en lui un petit morceau d’universel méditerranéen, puisqu’on le nomme zeitoun, en hébreu comme en arabe. En initiant ce dialogue, le scénariste et le traducteur prendront la mesure de quelques frontières, porosités et passerelles qui relient ou séparent les langues de Jérusalem.
Attention, les ateliers, séances, projections, etc. sont accessibles de manière payante, ou avec un pass trois jours.